Manuel Valls a annoncé, dimanche 13 novembre, la probable poursuite pour quelques mois de l'état d'urgence, le temps de la campagne présidentielle.
Le Premier ministre a choisi la BBC et le jour des commémorations des un an du massacre du 13 novembre 2015 pour faire connaître son intention de prolonger le régime d’exception. Dans son interview à la BBC, Manuel Valls justifie son choix par la nécessité de « protéger notre démocratie », dans une période électorale.
Instauré
au soir des attentats pour 12 jours, l'état d'urgence a été
reconduit par le Parlement une première fois pour une durée de
trois mois le 20 novembre 2015. Mesure renouvelée pour trois mois
supplémentaires en février et mai 2016. Après l'attentat de Nice
le 14 juillet, l'état d'urgence est reconduit pour six mois,
jusqu'au 20 janvier 2017.
Cette cinquième
prolongation de l'état d'urgence au delà du 20 janvier pourrait
être de six mois pour couvrir l'intégralité de la séquence
électorale. Le deuxième tour de la présidentielle est fixé au 7
mai 2017, mais les législatives sont programmées les 11 et 18 juin.
Il semble probable que le gouvernement englobe l'ensemble de ces
dates. Ce serait alors au nouveau gouvernement sorti des urnes et à
la nouvelle majorité à l'Assemblée Nationale de déterminer l'avenir de ces
mesures d'exceptions.
Une prolongation très politique
Les déclarations
de Manuel Valls sur la chaîne de télévision anglaise sonnent pourtant comme un
aveu : « il est difficile aujourd'hui de mettre fin à
l'état d'urgence ». La réalité de la menace et la pertinence
de la mesure ne sont pas invoquées. Le Premier ministre avoue que
le risque d'une attaque d'un commando similaire à celui du 13
novembre a « plutôt
tendance à diminuer »,
même si « en
revanche nous pouvons faire face à des attaques du type de celle que
nous avons connues à Nice ».
De nombreuses
voix dans la magistrature et la police ont exprimé des doutes sur l’efficacité du prolongement de l'état d'urgence. La commission
d'enquête parlementaire sur les attentats l'a jugé « utile,
mais limité » et « s'amenuisant avec le temps ».
Sur les 4000 perquisitions et 500 interpellations annoncées cette
semaine par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, plus de
la moitié sont intervenues dans le mois qui a suivi les attentats du
13 novembre et plus de 80% dans les trois premiers mois de l'état
d'urgence. Depuis, certaines mesures incluses dans l'état d'urgence,
comme les perquisitions de nuit, ont été pérennisées dans la loi
« renforçant la lutte contre le crime organisé et le
terrorisme » du 3 juin 2016.
La dangerosité
de mesures d’exceptions donnant un pouvoir sans contrôle à l’État a
été pointée par de nombreuses associations, syndicats ou organisations politiques. Amnesty International a dénoncé « une série
d'opérations abusives », pendant qu'Human Right Watch et des
experts de l'ONU faisaient part de leurs inquiétudes. Des
manifestations en mars 2016 réunissant quelques dizaines de milliers
de personnes à l'appel de deux collectifs (stop état
d'urgence et sortir de l'état d'urgence) s'inquiétaient de la mise en place d'un État policier. Elles dénonçaient les atteintes aux
libertés individuelles et publiques, notamment les possibles restrictions au droit de
manifestation.
D'une efficacité
discutée face au terrorisme dans la durée, intégré en partie
dans la nouvelle loi antiterroriste de juin 2016 et dénoncé par une
partie de la population et des institutions internationales, l'état
d'urgence devait prendre fin en juillet. Le chef de l’État l'avait
annoncé quinze jours avant l'attentat de Nice. Depuis, les surenchères
politiques et l'entrée en campagne électorale constituent un risque
politique. Un danger jugé trop grand par le gouvernement pour le futur candidat
socialiste à la présidentielle. Malgré le coup de tonnerre de
l'élection de Donald Trump, et les interrogations sur l'issue des
prochaines élections, le Premier ministre s’apprête à livrer clefs
en main, un régime d’exception à la prochaine majorité
présidentielle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire